L’Institut Paul Bocuse

Comment vit-on… à l’Institut Paul Bocuse ?  

Installée près de Lyon, l’école consacrée au management de l’hôtellerie et à l’art culinaire ne néglige aucun aspect du métier.

« Vous avez vu qu’avec les escargots, il faut mettre les cuillères à poisson. » Dans la salle du restaurant Saisons, cinq étudiants de première année de management international de l’hôtellerie et de la restauration dressent les tables. En uniforme noir et chemise blanche, ils ont été briefés, depuis le matin, sur les plats, les fromages, les vins à servir… La fricassée d’escargot et sot-l’y-laisse du menu ne se mangera donc pas avec des pinces. Ce 18 avril est jour d’examen, et une légère fébrilité se fait sentir avant l’arrivée des clients. En plus de Bernard Ricolleau, le responsable du restaurant, qui leur a appris ce métier, un maître d’hôtel extérieur va venir les observer et les noter. Aucun de ces jeunes gens, titulaires d’un bac général pour la plupart, ne devrait servir en salle au sortir de ces trois années de cours, mais tous connaîtront le moindre rouage de leur futur univers de travail.

Au château d’Ecully, à quelques kilomètres de Lyon, où s’est installé l’Institut Paul-Bocuse, 400 étudiants en management ou en art culinaire passent ainsi du restaurant aux cuisines -en plus des cours de comptabilité, de droit, de design, de marketing…- pour décrocher une licence ou un master qui leur permettra d’entrer dans les plus grands hôtels et restaurants ou, pour 30% d’entre eux, de créer leur propre entreprise. Le lieu, qui combine passé -avec son château gothique construit en 1882 par un soyeux lyonnais- et modernité -avec ses 4.600 mètres carrés de bâtiments pédagogiques cachés à l’arrière-, n’est pas qu’un des établissements parmi les plus prestigieux de France. C’est aussi une école de dégustation -de vins, de cafés, de thés-, un incubateur d’entreprises, lancé en janvier, ainsi qu’un centre de recherche unique sur l’alimentation. Un endroit où étudiants et gastronomes du monde entier se croisent pour tirer le meilleur de l’assiette.

Derrière le château, la passerelle qui surplombe le jardin aromatique rejoint l’édifice construit par l’Etat dans les années 1990. Au premier étage, les étudiants en art culinaire sont les princes des huit grands laboratoires de cuisine, dont deux de pâtisserie. Ce lundi, les étudiants de deuxième année passent leur examen. Comme dans l’émission « Top Chef », ils présentent un à un leurs préparations à Patrick Gérard, un des chefs enseignants, et à un gastronome externe, Christophe Batard, kinésithérapeute de la région, qui notent tous deux les plats.   

Les entreprises au cœur

 L’omelette du curé aux queues d’écrevisse ne les convainc pas, mais le candidat se rattrapera sur le dessert. A deux pas, beaucoup moins stressés mais tout aussi attentifs, un groupe de Coréens prépare un menu à la française, qu’ils dégusteront au F’n’B -pour Food and Beverage, l’école étant bilingue. Ce restaurant est géré par une classe différente chaque semaine, de la composition des menus au service en salle. En face, des amies s’essaient à la pâtisserie. Depuis 2000, l’institut a en effet ouvert une école de cuisine et reçoit plus de 90 groupes de 7 à 30 personnes par an. Aujourd’hui, même des professionnels viennent y faire des stages sur mesure.
« Mes étudiants me surprennent par leur capacité à créer des liens avec les entreprises », se réjouit Hervé Fleury, directeur général, en montrant un élève qui, pour une étude marketing, a invité une demi-douzaine de personnes à venir au château. Ancien directeur marketing d’Accor, il a été appelé il y a douze ans par Gérard Pélisson, cofondateur du groupe hôtelier et président du conseil d’administration de l’institut, pour reprendre le flambeau, avec Paul Bocuse, d’une école créée en 1990 à l’initiative de Jack Lang, et qui rencontrait quelques soucis financiers. Depuis, avec un conseil d’administration composé de personnalités de Danone, Bonduelle, Malongo, Villeroy & Boch… elle est devenue rentable. Ces entreprises donnent parfois un coup de main pour l’équipement, comme Seb, qui fournit des articles culinaires, ou Electrolux, qui a aidé à aménager la cuisine du centre de recherche. Celle-ci permet de concocter des repas aussi bien gastronomiques qu’hospitaliers. Car, ici, l’alimentation s’étudie sous toutes ses formes.

Dans les anciennes écuries, rénovées en 2008, le centre de recherche accueille une douzaine de chercheurs et de doctorants. Ils étudient aussi bien l’influence de la lumière sur la dégustation que le comportement alimentaire de l’enfant, ou encore la façon de suivre les recettes. Grâce à un restaurant, l’Expérimental, modulable et équipé de caméras, ils peuvent discrètement observer leurs cobayes volontaires. Dans une petite salle du premier étage, Xavier Allirot, ingénieur en agroalimentaire, scrute ainsi deux écrans. Il enregistre le déjeuner de cinq hommes. Ceux qui ont grignoté depuis le matin mangent-ils comme ceux qui ont pris un simple petit déjeuner? Réponse dans un an. A l’Institut Bocuse, on prend le temps de mettre les petits plats dans les grands. 

par Soizic Briand, journaliste à Challenges.

Insitut Paul Bocuse

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